Cahiers 2012 › International › Réforme de l'OMPI
Le mercredi 7 mars 2012, 15:57 - Lien permanent
L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), ou World Intellectual Property Organization (WIPO), est une institution spécialisée des Nations unies dont la mission officielle est la promotion d'un système international de propriété intellectuelle1. Depuis plusieurs années, des États membres de l'OMPI et des ONG plaident pour une réorientation de l'action de l'OMPI, une réforme de son fonctionnement et l'adoption d'un traité refondant l'équilibre de la propriété intellectuelle.
Cette analyse fait partie du cahier International de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.
Déclaration de Genève
En 2004, 600 ONG ont signé un texte, connu sous le nom de Déclaration de Genève2. On y lisait notamment :
« Une convention de 1967 a cherché à encourager l’activité créative en mettant en place l’OMPI pour promouvoir la protection de la propriété intellectuelle. Cette mission fut étendue en 1974, quand l’OMPI fut rattachée aux Nations unies, à travers un accord qui demandait à l’OMPI "de prendre des mesures appropriées pour promouvoir l’activité créatrice intellectuelle et de faciliter le transfert aux pays en voie de développement" des techniques "en vue d’accélérer le développement économique, social et culturel" ».
« En tant qu’organisation intergouvernementale, l’OMPI a cependant épousé une culture qui conduit à la mise en place et à l’expansion des privilèges de monopoles, souvent sans considération pour leurs conséquences. L’expansion continuelle de ces privilèges et de leurs mécanismes coercitifs a entraîné de graves coûts sociaux et économiques, et a entravé et menacé d’autres systèmes de créativité et d’innovation. L’OMPI doit permettre à ses membres de prendre la mesure des véritables conséquences économiques et sociales de l’expansion de la propriété intellectuelle, et de l’importance d’une approche rééquilibrée entre domaine public et propriété privée. »
Cette position est partagée par de nombreux acteurs, dont Francis Gurry, directeur général de l'OMPI, qui en 2011 a plaidé pour une évolution du droit d'auteur, en affirmant que « nous n’avons pas d’autre choix ; soit le système du droit d’auteur s’adapte aux avantages découlant de l’évolution naturelle, soit il disparaît »3.
Projet de traité sur l'accès à la connaissance et aux techniques
La Déclaration de Genève et la mobilisation de la société civile mondiale qui l'a accompagnée ont contribué à l'adoption à l'OMPI d'une proposition d'établissement d'un plan d'action de l'OMPI pour le développement4, proposition faite par l’Argentine et le Brésil et qui a reçu l’appui d’une quinzaine d'autres pays dont l’Inde, première industrie cinématographique mondiale.
En plus des demandes de réforme de l'OMPI et de réorientation de ses actions, la Déclaration de Genève et la proposition de l'Argentine et du Brésil contiennent une demande d'adoption d'un traité sur l'accès au savoir et aux techniques. Un projet de traité, rédigé en 2006 à titre d'exemple, propose ainsi une liste d'exceptions et de limitations aux droits exclusifs garantissant effectivement les droits fondamentaux du public. Il affirme la possibilité pour les États de mettre en œuvre des politiques publiques, notamment culturelle, de santé, d'éducation et de recherche, adaptées à leurs spécificités. Il prévoit des dispositions pour lutter contre les abus de propriété intellectuelle qui minent la libre concurrence, ainsi que des dispositions visant à favoriser les transferts de technologies entre pays développés et pays en voie de développement. Il protège et encourage le soutien aux standards ouverts et aux modèles de développement collaboratif de biens communs comme le Logiciel Libre.
Des propositions rejoignant de nombreuses dispositions du projet de traité ont également été rédigées dans le cadre du Transatlantic Consumer Dialogue (TACD), pour aboutir au Pacte de Paris5. De nombreuses organisations, dont l'April, ont également co-écrit une proposition en soutien à la Déclaration de Genève, en faveur d'une « Organisation mondiale de la richesse intellectuelle »6.
Au mois de novembre 2011, 45 organisations de la société civile ont signé une lettre7 à destination du directeur général de l'OMPI dénonçant l'approche actuelle du droit d'auteur par l'organisation. Sont dénoncés des problèmes de transparence, d'approche déséquilibrée au seul profit des entreprises, de conflit d'intérêts, de démonstration douteuse d'un lien entre droit d'auteur et protection de la santé. Ces organisations prônent une mise à disposition publique de l'ensemble des informations de l'organisation ainsi qu'une approche équilibrée du droit d'auteur.
1Le terme de "propriété intellectuelle" est cependant contestable. Pour plus d'information : http://www.april.org/journee-mondiale-de-la-propriete-intellectuelle-2011