Cette analyse fait partie du cahier International de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.

L'accord proposé au vote maintient la sacralisation des DRM (Digital Right Management) ou menottes numériques1 dans le droit international. Le texte mentionne, en effet, dans un paragraphe non contraignant, que le contournement de ces « menottes numériques » doit être interdit par la loi, alors même que ce contournement peut s'avérer nécessaire pour assurer l'interopérabilité et donc la capacité des logiciels à échanger des informations et à utiliser mutuellement les informations échangées.

De plus, si l'interdiction du contournement des menottes numériques est encadrée par les lois nationales dans chacun des pays2, l'insécurité juridique que le projet de traité ACTA fait peser sur le Logiciel Libre, et plus globalement sur le monde de l'informatique, aura des conséquences très néfastes en matière d'innovation. Le logiciel libre constitue un potentiel de croissance important dans l'information : en France, 90% des entreprises innovant dans ce domaine l'ont fait en utilisant des logiciels libres3.

Le texte est également muet concernant le droit à l'interopérabilité et l'exception de décompilation — pourtant affirmés dans les droits européen et français4. Si un tel texte était adopté, cela rendrait le retour sur les échecs que sont l'EUCD et DADVSI encore plus difficile5.

Enfin, le projet d'accord actuel prévoit la mise en place de sanctions pénales pour tous ceux qui sont complices d'aider ou de faciliter (« aiding and abetting ») à une « échelle commerciale » les actes de contrefaçon, termes particulièrement flous et qui toucheront de plein fouet les fournisseurs de technologies, dont les auteurs et éditeurs de logiciels libres, tout comme l'ensemble des intermédiaires techniques. Sous la menace de sanctions prévues par ces termes particulièrement vagues, les acteurs du Net seront incité à mettre en danger la neutralité du net en porter atteinte à la liberté d'expression en déployant des dispositifs de filtrage.

Ainsi, le texte met en place des mesures restrictives et privatives de libertés, sans le moindre encadrement des dérives potentielles : les libertés des consommateurs, l'interopérabilité et le choix des usages ne font l'objet que d'un simple renvoi à ce que pourrait proposer le législateur national. Alors que les restrictions de libertés sont inscrites dans le marbre, les protections des droits fondamentaux sont passées à la trappe et négligées par le texte : avec l'ACTA, seules les atteintes à la libertés sont instaurées, et leurs garde-fous ignorés.

La version finale du texte a été publiée en décembre 2010, et les signatures ont débuté le 1er octobre 2011. Le 18 décembre 2011, les pays membres de l'Union européenne ont signé l'ACTA. Cette signature est une étape obligatoire pour l'adoption du texte. La préservation de l'innovation et des libertés passe nécessairement par un rejet de cet accord.

1Voir cahier MTP/DRM.

2"To the extent provided by the law".

4Article L122-6-1 Code de la propriété intellectuelle http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006278920&cidTexte=LEGITEXT000006069414, directive européenne de 1991 relative à la protection juridique des programmes d'ordinateur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1991L0250:19931119:FR:PDF">, réaffirmé par le Conseil d'État http://www.april.org/groupes/dadvsi/analyse-arret-conseil-etat-decret-dadvsi.html.

5Pour plus d'informations, voir le cahier MTP/DRM.