Cahiers 2012 › Interopérabilité › L'interopérabilité : un prérequis incontournable pour une concurrence saine et une offre diversifiée
Le mercredi 7 mars 2012, 16:43 - Lien permanent
L'interopérabilité est « la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées »1. L'interopérabilité n'est pas une simple compatibilité. Il ne s'agit pas seulement de permettre à deux systèmes de communiquer entre eux, mais aussi de lire et de modifier les informations et contenus de manière fiable en garantissant que n'importe quel système présent ou futur puisse s'interconnecter. On ne peut donc parler d'interopérabilité d'un produit ou d'un système que lorsqu'on en connaît toutes les interfaces2. Ainsi, des systèmes divers sont assurés de pouvoir agir ensemble sur les mêmes informations : c'est une garantie de diversité et de choix.
Cette analyse fait partie du cahier Interopérabilité de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.
À l'instar de la neutralité du net3, l'interopérabilité4 est critique pour le développement économique et social de la société de l'information.
L'exemple du téléphone illustre bien l'interopérabilité : on peut téléphoner à n'importe qui, avec n'importe quel type de téléphone, sans avoir besoin de connaître celui de son correspondant ni le nom de son opérateur, grâce aux normes d'interopérabilité gérées par l’UIT5. Ainsi, dans le domaine de la téléphonie, la concurrence existe et favorise la création de produits nouveaux.
Construction de l'interopérabilité par la standardisation
L'interopérabilité entre deux logiciels passe par l'utilisation d'un standard de communication commun. Juridiquement, un standard est dit ouvert quand ses spécifications sont publiques et leur utilisation libre et gratuite ; il est dit fermé dans tous les autres cas. En 2004, une définition des standards ouverts a été inscrite à l'article 4 de la loi pour la confiance dans l’Économie numérique6 précisant ainsi : « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en œuvre. ». Au niveau européen, les conditions pour qu'un standard soit défini comme ouvert ont été précisées par une proposition de l'IDABC (Interoperable Delivery of European eGovernment Services to public Administrations, Businesses and Citizens)7 :
« le standard est adopté et sera maintenu par une organisation sans but lucratif et ses évolutions se font sur la base d'un processus de décision ouvert accessible à toutes les parties intéressées (décision par consensus ou majorité) ;
le standard a été publié et le document de spécification est disponible, soit gratuitement, soit au coût nominal. Chacun a le droit de le copier, de le distribuer et de l'utiliser, soit gratuitement, soit au coût nominal ;
la propriété intellectuelle — c'est-à-dire les brevets éventuels — sur la totalité ou une partie du standard est mise à disposition irrévocablement et sans redevance ; il n'y a pas de restriction à la réutilisation du standard. »
C'est grâce aux standards ouverts édictés par l'Internet Engineering Task Force (IETF) et le World Wide Web Consortium (W3C) qu'Internet a ainsi pu devenir ce qu'il est : un réseau accessible à toute personne disposant d'un logiciel conforme à des spécifications publiques et librement utilisables par tous.
L'ancienne Direction centrale pour la sécurité des systèmes d'informations (DCSSI, aujourd'hui Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'informations - ANSSI), rappelle quant à elle l'importance de l'utilisation de standards pour la sécurité et l'interopérabilité : « De façon générale, tous ces protocoles sont des structurations de l’information numérique, et leur bonne interprétation est cruciale en matière de sécurité informatique, tout autant que d’interopérabilité. La réalisation d’implantations de référence validées formellement est un facteur de sécurité et de confiance à développer. »8
L'interopérabilité au quotidien
L'interopérabilité ne se limite pas à la question des logiciels ; elle intervient en effet dès que se pose la question de l'interconnexion de deux produits semblables, y compris dans des objets du quotidien.
Ainsi, par exemple, les chargeurs de téléphone portable ne sont pas interopérables. Chaque marque de téléphone (voire chaque modèle) exige l'utilisation d'un chargeur précis, avec des connectiques différentes d'une marque à l'autre, bien que le transformateur soit le même et que cela ne se justifie pas par un quelconque impératif technique. La Commission européenne s'est donc saisie du problème et a organisé des discussions pour un chargeur unique9.
Il en va de même avec les cartouches d'imprimante : chaque marque, voire chaque modèle d'imprimante, exige un modèle bien particulier de cartouche d'encre, protégé par le droit des brevets et qui interdit à toute marque concurrente de proposer des cartouches d'encre. Une fois l'imprimante achetée, le client est donc captif des consommables vendus par la marque.
L'interopérabilité est essentielle pour les consommateurs car elle est la condition sine qua non au libre choix des outils informatiques, en évitant l'enfermement technologique. Elle est également incontournable pour une concurrence saine et une offre diversifiée, en ouvrant la possibilité à tout auteur ou éditeur de proposer des solutions concurrentes ou s'interconnectant avec des solutions existantes. Si elle ne permet pas toujours d'empêcher les abus de position dominante, l'interopérabilité est une condition nécessaire à l'émergence de solutions concurrentes et permet aux utilisateurs d'utiliser les outils qu'ils souhaitent sans être systématiquement contraints de faire appel à l'éditeur de la solution ou à ses sous-traitants. L'interopérabilité permet enfin de garantir la pérennité des données et rend possible la création d'outils nécessaires à la lecture si l'éditeur originel disparaît, ou si les outils ou les formats deviennent obsolètes.
1Directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:HTML..
3La neutralité du Net est un principe fondateur d'Internet qui exclut toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise. Plus d'informations : http://www.laquadrature.net/fr/neutralite_du_Net.
5Union internationale des télécommunications (UIT) http://fr.wikipedia.org/wiki/UIT.
6Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000801164&dateTexte=.
8DCSSI rapport public « orientation des travaux de recherche et de développement en matière de sécurité des systèmes d'information », édition 2008, n°757/SGDN/DCSSI/SDS du 10/04/2008 http://www.ssi.gouv.fr/fr/ssi/la-ssi-en-france/orientation-de-la-recherche-en-securite-des-systemes-d-information.html.