Cahiers 2012 › Accessibilité › Subvention publique de logiciels privateurs au détriment de l'accessibilité pour tous
Le mardi 6 mars 2012, 17:05 - Lien permanent
Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), sous la responsabilité du conseil général, financent prioritairement des solutions commerciales privatrices. Or, leurs prix les conduisent à sélectionner les demandes en fonction de leurs contraintes budgétaires, ce qui aboutit de plus en plus souvent à des délais d'attente pouvant dépasser un an. Un tel délai est peu propice à l'embauche d'une personne handicapée et à l'acceptation de son handicap, ainsi qu'à sa réinsertion sociale. Cette situation résulte d'un déficit d'informations des décideurs, notamment des membres des Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
Cette situation n'en reste pas moins incompatible avec le droit de la concurrence, les engagements européens de la France, l'objectif d'efficience des budgets publics (qui financent à haut prix des solutions non pérennes et coûteuses, à renouveler régulièrement pour remplir leur tâche), l'innovation et l'amélioration de la concrétisation de l'accessibilité.
Cette analyse fait partie du cahier Accessibilité de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.
En France, ce sont les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), sous la responsabilité des conseils généraux, qui décident des aides allouées aux personnes en situation de handicap, finançant notamment l'acquisition et la formation aux technologies d'assistance. Ces technologies d'assistance peuvent être du matériel ou des logiciels rendant l'utilisation de l'ordinateur possible par les personnes handicapées en venant compenser leur handicap en le suppléant. Ainsi, il peut s'agir par exemple d'un pointeur laser permettant d'utiliser son ordinateur sans les mains, d'un logiciel de lecture d'écran qui va restituer vocalement ou avec une plage Braille le contenu visuel de ce qui s'affiche pour les personnes aveugles ou malvoyantes...
Ce financement public oriente donc le choix des utilisateurs en situation de handicap, organisant un quasi-monopole de certains éditeurs de logiciels qui en profitent pour vendre leurs produits à des prix prohibitifs que peu de gens pourraient acquérir sans l'aide de la collectivité. Or, des technologies d'assistance libres existent mais sont souvent méconnues, et rares sont les financements de formations pour du logiciel libre par les MDPH. Par ailleurs, avec ce système, l'aide publique ne couvre souvent que l'acquisition du matériel ou du logiciel, pas l'achat des mises à jour également onéreuses alors que l'informatique, et Internet en particulier, évolue très vite.
Cette situation pose plusieurs problèmes :
Concurrence faussée, et donc absence de liberté de choix pour l'utilisateur, en raison du monopole organisé par les aides publiques : par le financement ainsi accordé pour une solution unique, alors que d'autres gratuites existent et sont utilisables moyennant le paiement du service de formation et d'installation, la France pratique des aides d'État injustifiées, ce qu'interdit l'article 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Elle pourrait être, à ce titre, condamnée par la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE).
Un coût extrêmement élevé pour la collectivité du fait du monopole, sans justification technique à cela : il s'agit d'un abus de position dominante, interdit par le droit de l'Union européenne (article 102 du TFUE). La France pourrait donc faire l'objet d'une condamnation par la CJUE.
Utilisateurs contraints d'utiliser le logiciel pour lequel ils ont été formés, mais incapables de se payer les mises à jour nécessaires à une utilisation moderne de l'informatique tant les prix sont élevés ;
Utilisateurs enfermés dans une certaine utilisation de l'informatique totalement contrôlée par des entreprises privées qui, en ne diffusant pas le code source de leurs logiciels, empêchent une interopérabilité optimale garante d'une accessibilité réelle pour tous.