Cette analyse fait partie du cahier e-administration de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.

Les standards ouverts : pérennité, interopérabilité et économies

La vice-présidente de la Commission européenne à la stratégie numérique, Neelie Kroes, a dénoncé en juin 2010 la manière dont « de nombreuses autorités se sont retrouvées enfermées inintentionnellement dans des technologiques propriétaires pendant des décennies. Passé un certain point, ce choix de départ est tellement intégré que toute alternative risque d'être systématiquement ignorée, quels que soient les bénéfices potentiels. C'est un gâchis d'argent public que nous ne pouvons plus nous permettre. »2

Des députés et des sénateurs ont proposé que les administrations, les collectivités territoriales et les établissements publics utilisent dès que possible des logiciels libres et des standards ouverts. En 1999, les sénateurs Laffite, Trégouët et Cabanel (UMP) avaient déposé une proposition de loi visant à « généraliser dans l'administration l'usage des logiciels libres »3 car pour « garantir la pérennité des données accessibles, faciliter les échanges et assurer le libre accès des citoyens à l'information, il faut que l'utilisation dans l'administration ne dépende pas du bon vouloir des concepteurs de logiciels. Il faut des systèmes libres dont l'évolution puisse être garantie grâce à la disponibilité pour tous du code source utilisé par le concepteur. » En 2000, une proposition de loi déposée par les députés Le Déault, Paul, Cohen et Bloche (PS)4 proposait de donner obligation aux services de l'État, aux collectivités locales et aux établissements publics de recourir à des standards de communication ouverts et à des logiciels à code source ouvert afin que l’État puisse « corriger les erreurs que les fournisseurs refusent de corriger eux-mêmes » ou « vérifier l'absence de défauts de sécurité dans des applications sensibles ».

Par la directive 2003/98/CE5, il est fait obligation aux organismes du secteur public de mettre « leurs documents dans tout format ou toute langue préexistants »6, ce format, « dans la mesure du possible », ne devant pas être lié « à l'utilisation d'un logiciel spécifique »7.

Référentiel général d'interopérabilité (RGI)

Au regard des avantages de l'usage de formats standards, les pouvoirs publics devraient avoir l'obligation de motiver publiquement et préalablement leur choix lors de l'utilisation d'un format fermé, à l'instar de la politique néerlandaise « comply or explain »8, qui revient à suivre les règles (''comply'') ou à justifier d'un choix différent (''explain'').

En France, le Référentiel général d'interopérabilité (RGI) contient les indications non contraignantes fournies aux administrations pour guider leurs choix de formats et de standards9. Au-delà de l'absence de contraintes, ces recommandations sont également insuffisantes car porteuses de confusion. Ainsi, elles mettent sur un même pied les formats bureautiques ouverts comme l'Open Document Format et le format OOXML de Microsoft10.

Seul l'usage de standard ouverts et interopérables, au sens de l'article 4 de la LCEN, est à même de garantir l'interopérabilité et l'accessibilité des échanges administratifs. Le RGI doit donc être modifié pour demander la mise en place de formats réellement ouverts11

L'European Interoperability Framework (EIF), dans sa version 2.0, ôte toute mention du Logiciel Libre dans sa définition d'un standard ouvert. Pire, il confond "interopérabilité" et "compatibilité" en ne faisant plus reposer l'interopérabilité sur les standards ouverts12. L'interopérabilité ne pouvant en aucun cas s'envisager en l'absence de standards ouverts, cette version du cadre européen d'interopérabilité doit être rejetée.

Ouverture des données publiques (Open Data)

Le 31 août 2011, le Premier ministre François Fillon a demandé aux ministres de veiller à « généraliser l’usage des formats libres et ouverts par les administrations », dans le cadre de la mise à disposition des données publiques par les administrations de l’État13. Cela n'a pas encore été mis en place actuellement. De même, le portail Open Data du gouvernement14 doit encore évoluer dans le recours aux formats ouverts15.

Au niveau des collectivités territoriales en revanche, certaines initiatives intéressantes sont à noter, comme les sites de mise à disposition des données des villes de Nantes16 ou encore de Rennes17, qui sont basés sur des logiciels libres et contiennent, dans la mesure du possible, des documents dans des formats ouverts.

2 Discours sur les standards ouverts et l'interopérabilité dans le cadre de l'Open Forum Europe 2010 de Bruxelles, 10 juin 2010 http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=SPEECH/10/300&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en. Plus d'informations : http://www.april.org/la-commissaire-europeenne-neelie-kroes-reaffirme-limportance-de-linteroperabilite-et-des-standards-o

3Sénat, proposition de loi n°117, session ordinaire 1999-2000 – http://www.senat.fr/leg/ppl99-117.html ; proposition reprise en 2002, proposition de loi n°32, session ordinaire 2002-2003 – http://www.senat.fr/leg/ppl02-032.html .

4Assemblée nationale, proposition de loi n°2437, XIème législature – http://www.assemblee-nationale.fr/11/propositions/pion2437.asp

5 Transposée par l'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000629684&fastPos=1&fastReqId=1645348425&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte .

6Art.5 Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0098:fr:HTML.

7Considérant 13 Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0098:fr:HTML

9 Ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives http://www.references.modernisation.gouv.fr/rgi-interoperabilite

11Pour plus d'information sur les formats ouverts, voir le cahier interopérabilité.