Cahiers 2012 › Éducation › Enseignement de l'informatique
Le mardi 6 mars 2012, 18:38 - Lien permanent
L’April est, en matière éducative, attachée à la formation d’utilisateurs autonomes, éclairés et responsables. L'association milite depuis longtemps pour que l’informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves, sous la forme notamment d’une discipline scientifique et technique.
L'introduction d'un enseignement de spécialité en Terminale S, à la rentrée 2012, nommé "Informatique et science du numérique" est un timide premier pas. Au XXIe siècle, il est essentiel que l'informatique soit enseignée dès le collège, voire dès le premier degré sous des formes adaptées. D'autres pays européens ont d'ores et déjà introduit en enseignement de l'informatique et certains en ont profité pour supprimer purement et simplement leur équivalent du B2i (Brevet informatique et internet). Cette "attestation" est depuis le début une mauvaise réponse à un vrai problème : faire acquérir à tous des connaissances en informatique. C'est aussi cela former le citoyen de demain.
Cette analyse fait partie du cahier Éducation de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.
L'inadaptation de l'approche actuelle fondée sur le Brevet informatique et internet (B2i)
Le Brevet informatique et internet (B2i) est une attestation, délivrée aux élèves des écoles élémentaires, des collèges, des lycées et aux adultes, qui sanctionne leur capacité à utiliser les outils informatiques et Internet. Le B2i, addition d'éléments plus ou moins liés aux technologies de l'information et de la communication, sans cohérence ni logique, ne permet pas aux élèves d'acquérir les connaissances techniques et la réflexion indispensable au bon usage des outils informatiques. C'est le constat du rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous sur la modernisation de l’école par le numérique1 : « Le B2i ne prend en compte ni la capacité à pouvoir se former tout au long de la vie, ni les connaissances techniques de base nécessaires pour comprendre les outils numériques. »
Dès lors, le B2i, en l'absence de finalité pédagogique claire et d'une formation adéquate des professeurs, ne peut être considéré comme un enseignement à part entière de l'informatique, alors que le rapport Fourgous conclut que « La mise en place d'une matière informatique est une nécessité dans une société où tout fonctionne via le numérique. »
Il est à noter que cette démarche est déjà en cours en Angleterre. L'enseignement de "nouvelles technologies" (ICT), qui a pour contenu les thèmes de notre B2i, va être supprimé pour mettre en place des cours dédiés à l'informatique, la programmation et l'algorithmique. Cette décision a été prise suite à un rapport dans lequel on peut lire : « On force les élèves à apprendre à utiliser des logiciels au lieu de leur apprendre à en fabriquer. Ils deviennent des esclaves de l'interface et sont totalement lassés de cela. » 2
L'enseignement de l'informatique comme discipline à part entière
L'enseignement de l'informatique comme discipline à part entière est essentiel. Il ne doit pas se contenter d'établir un panorama des solutions existantes. Il doit former l'esprit critique des élèves sur le mode de conception des logiciels et les principes fondamentaux de l'informatique3.
Un enseignement de spécialité optionnel en Terminale S, "Informatique et sciences du numérique » 4, a été créé pour la rentrée 2012. Il s'agit là d'un premier pas important, souhaité dès 2007 par l'EPI5 et l'April, correspondant aux besoins de notre époque, et qui en appelle d'autres. Un tel enseignement ne doit pas demeurer facultatif et limité à une unique filière. Un véritable enseignement de l’informatique doit être introduit pour toutes les filières du lycée mais aussi dès le collège. Rappelons que, dans plusieurs pays, l’informatique en tant que discipline a été intégrée dans l’enseignement général, parfois en matière obligatoire6. Le Brevet informatique et internet (B2i), dont l’échec est avéré, ne saurait être en l’état un quelconque palliatif à cette lacune dans l’offre de formation de notre pays.
Le programme "Informatique et sciences du numérique"7 semble neutre mais il faut rester vigilant. Lors de son application, il est essentiel que le numérique ne soit pas seulement présenté comme un potentiel danger à contrôler, comme ce fut le cas, par exemple, avec la loi Hadopi.
En effet, la loi8 demande aux enseignants de sensibiliser leurs élèves aux conséquences du téléchargement illégal. Il est dommageable qu'internet ne soit présenté que comme une menace pour le droit d'auteur. L'approche de partage des contenus soumis au droit d'auteur, avec la présentation notamment des différentes licences libres, doit également faire partie intégrante de la sensibilisation des élèves au droit d'auteur dans l'environnement numérique.
1Rapport Fourgous "Réussir l'école numérique": http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000080/index.shtml. Pour une analyse du rapport : http://www.april.org/rapport-fourgous-une-reconnaissance-partielle-des-apports-fondamentaux-du-libre-a-leducation
2BBC News : "School ICT to be replaced by computer science programme" http://www.bbc.co.uk/news/education-16493929
3Eric Schmidt, patron de Google, au sujet de l'enseignement en Angleterre : « J’étais sidéré (...) d’apprendre qu’il n’existe même pas d’enseignement de base de l’informatique dans les écoles britanniques aujourd’hui. Votre programme de technologie se concentre sur la manière d’utiliser un logiciel, mais n’explique pas comment il a été conçu. » http://www.framablog.org/index.php/post/2011/09/04/google-education-angleterre et http://www.bbc.co.uk/news/technology-15916677 .
4Plus d'informations : http://www.april.org/reponse-de-lapril-la-consultation-sur-lenseignement-de-specialite-informatique-et-sciences-du-numerique.
5 Association Enseignement Public & Informatique : http://epi.asso.fr/
6Citons par exemple le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Corée, le länder de Bavière, la Hongrie, la Bulgarie, etc. Voir aussi http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d0912b.htm