Cahiers 2012 › E-administration › Commande publique et logiciels libres
Le mardi 6 mars 2012, 18:10 - Lien permanent
Le principe de la commande publique veut que les appels d'offres soient aussi ouverts que possible, afin de permettre à toutes les solutions présentes sur le marché de concourir à égalité. Pourtant, de nombreux marchés publics informatiques exigent une marque, un brevet ou une technologie particulière, au mépris de l'esprit de la commande publique et de la loi.
Cette analyse fait partie du cahier e-administration de candidats.fr, à l'occasion de la campagne présidentielle 2012.
Des marchés publics ouverts aux logiciels libres
De trop nombreux appels d'offres ferment indûment la commande publique aux logiciels libres, notamment en exigeant une technologie ou un logiciel précis. De telles pratiques sont pourtant interdites par l'article 6- 4 Code des marchés publics1 et par le droit européen2, et limitent la concurrence. Les acteurs publics se privent ainsi de solutions innovantes, en empêchant de nouveaux acteurs de proposer des produits auxquels ils n'auraient pas nécessairement pensé. C'est pourquoi l'April et le Conseil national du Logiciel Libre ont lancé en novembre 2010 une campagne de sensibilisation sur les marchés publics illégaux3.
Le Tribunal administratif de Lille a rappelé en décembre 2010 qu'il est interdit de citer explicitement une marque ou d'exiger une technologie particulière dans un appel d'offres4.
Commande publique de logiciels libres
Un marché public peut exiger d'utiliser des standards ouverts, pour des raisons de pérennité des informations et d'interopérabilité avec d'autres systèmes. De même, un acheteur public, qui souhaite contrôler ce que fait le logiciel ou développer ses propres outils, peut demander à avoir accès au code source et à sa libre modification. Il peut exiger que le logiciel puisse être librement utilisé, étudié, modifié, dupliqué5.
Le 30 septembre 2011, le Conseil d'État a clairement affirmé que la mention d'un logiciel libre spécifique dans un appel d'offres de services n'entravait pas la concurrence car il « était librement et gratuitement accessible et modifiable par l'ensemble des entreprises spécialisées [...] qui étaient toutes à même de l'adapter aux besoins de la collectivité et de présenter une offre indiquant les modalités de cette adaptation »'6. Le choix d'un logiciel libre peut donc être fait librement par les collectivités, sans forcément passer par un appel d'offres, car les libertés du logiciel ne limitent pas la concurrence sur le terrain des services.
Ainsi, la mise en place de règles demandant par défaut l'ouverture du code pour les marchés publics passés par l'administration permettrait de s'assurer de nombreux avantages pour les acteurs publics, tout en restant en conformité avec les grands principes des marchés publics.
2Directive 2004/18/CE : http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/legislation_fr.htm
3http://www.april.org/marches-publics-lapril-se-saisit-de-la-question-des-appels-doffres-informatiques-illegaux
4http://www.april.org/marches-publics-la-justice-consacre-louverture-des-appels-doffres-informatiques
5Décision du juge constitutionnel italien qui, en application du droit communautaire, reconnaît que l'on peut exiger l'usage de logiciels libres dans un appel d'offres. Source : communiqué de presse d'Assoli (Associazione per il Software Libero) : Sentence historique de la Cour constitutionnelle : il est légitime de favoriser les logiciels libres. http://softwarelibero.it/Corte_Costituzionale_favorisce_softwarelibero_fr.
6CE, 30 septembre 2011, n°350431 http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/ViewRoot.asp?View=Html&DMode=Html&PushDirectUrl=1&Item=1&fond=DCE&Page=1&querytype=advanced&NbEltPerPages=4&Pluriels=True&dec_id_t=350431 . Pour une analyse : http://www.april.org/le-conseil-detat-rappelle-le-droit-des-collectivites-locales-de-choisir-du-logiciel-libre.