Les mesures techniques de protection, aussi appelées dispositifs de contrôle d'usage privé, sont utilisées par des producteurs de disques et de films pour tenter d'empêcher que des copies des oeuvres qu'ils commercialisent ne soient diffusées sur internet et tenter de “sécuriser” de nouveaux modèles économiques comme la location de films (vidéo à la demande) ou la facturation à l'acte (le prix de l'oeuvre change en fonction du nombre de copies privées ou de lectures réalisables).

Au milieu des années 90, le gouvernement américain a proposé d'intégrer une protection juridique des mesures techniques de protection aux projets de traités WCT et WPPT sur le droit d'auteur et les droits voisins, alors en cours de rédaction à l'OMPI.

L'idée, fondée sur la pratique, était qu'aucune mesure technique de protection ne résiste au génie humain, et que toutes seront donc contournées. Par conséquent, pour le gouvernement américain, les actes de contournement devaient être interdits juridiquement, ainsi que les outils conçus ou spécialement adaptés pour réaliser de tels actes.

Cette proposition des États-Unis fut retenue et intégrée en 1996 aux traités WCT (traité sur le droit d'auteur) et WPPT (traité sur les droits des producteurs), bien que de nombreux États aient exprimé leurs craintes de voir de telles dispositions entrer en conflit avec certaines dispositions protégeant les droits du public ou la libre concurrence.

En signant ces traités en 1996, l'Europe s'est engagée à ce que ses États membres sanctionnent les actes de contournement des mesures techniques et les activités préparatoires dans leur droit national. Pour atteindre cet objectif, une directive européenne – la directive 2001/29CE - a été rédigée et adoptée en 2001.


Une analyse des dommages économiques et sociaux des mesures techniques et de la protection juridique associée, au travers de l'analyse de la directive 2001/29CE est disponible ici.


Chronologie

Septembre 1995 (US) : Le Working Group on Intellectual Property Rights publie un livre blanc Il contient une proposition de loi sur le droit d'auteur : le National Information Infrastructure Copyright Protection Act (NIICPA), rapidement mise à l'ordre du jour parlementaire.

Janvier 1996 (US) : Cent professeurs de droit écrivent une lettre ouverte à des élus américains, au secrétaire d'État au commerce et au vice-président des États-Unis. Ils leur demandent de retirer le NIICPA de l'ordre du jour parlementaire. Ils dénoncent un texte radical et extrémiste, qui pourrait avoir de graves conséquences économiques et sociales. Face à la mobilisation, le projet de loi NIICPA est retiré.

Décembre 1996 (OMPI) : Conférence diplomatique de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à Genève. Les dispositions les plus polémiques du NIICPA sont intégrées dans deux traités internationaux. L'opinion publique américaine, et plus largement mondiale, est contournée.

Octobre 1998 (US) : Le Digital Millenium Copyright Act (DMCA), qui implémente les traités OMPI en droit américain, est signé par le président Clinton.

22 Mai 2001 (UE) : La directive 2001/29CE (surnommée EUCD pour European Union Copyright Directive), équivalent européen du DMCA, est publiée au Journal Officiel de l'Union européenne. L'EUCD va plus loin que le DMCA alors même que les effets néfastes de ce dernier sont déjà apparents.

Novembre 2002 (FR) : Publication sur Internet d'un avant-projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), rédigé par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Il va beaucoup plus loin que la directive EUCD.

Décembre 2002 (FR) : Création de l'initiative EUCD.INFO par la FSF France.

Novembre 2003 (FR) : Dépôt du projet de loi DADVSI par le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon. Il va encore plus loin que l'avant-projet de loi du CSPLA. Des dispositions visant à interdire la neutralisation de mouchards et la publication d'informations techniques ont été introduites

Juin 2005 : Avant de quitter Matignon, après le rejet par le peuple français du projet de traité constitutionnel, Jean-Pierre Raffarin déclare l'urgence sur le projet de loi DADVSI.

6 juin 2005 (UE) : Dans le cadre de sa campagne STOP qui consiste à faire pression sur des pays tiers pour que "la propriété intellectuelle américaine soit protégée à l'étranger", une délégation du secrétariat d'État au commerce américain négocie avec la Direction générale du Commerce de la Commission européenne une transposition rapide de la directive 2001/29CE pour que les traités OMPI de 1996 entrent en vigueur dans toute l'Europe.

12 juillet 2005 (UE) : Avertissement de la Commission aux derniers États membres n'ayant pas transposé la directive EUCD, dont la France.

Décembre 2005 (FR) : Le projet de loi tel que rédigé par le CSPLA et le gouvernement est rejeté par une coalition de députés de tous bords. Sous la pression, ils adopteront finalement en mars un texte à l'économie comparable mais moins répressif, tout en votant in extremi des dispositions visant à garantir l'interopérabilité et le logiciel libre.

Avril 2006 (US) : Apple dénonce les dispositions sur l'interopérabilité adoptés par les députés comme relevant d'un « piratage organisé par l'État ». Le secrétaire d'État américain au commerce extérieur soutien publiquement Apple tout comme l'ATL (Americans for Technology Leadership), un « faux nez de Microsoft.

Mai 2006 (FR) : Le Sénat français supprime les disposition relatives à l'interopérabilité sauf une autorisant le contournement à des fins d'interopérabilité qui sera finalement elle aussi supprimée par le Conseil constitutionnel.

3 août 2006 (FR) : La loi DADVSI est promulguée.

Pour une chronologie complète (jusqu'en juin 2005) avec références, lire Petite histoire de la protection juridique des mesures techniques et des informations électroniques. Pour des détails sur l'adoption du DADVSI, voir la section consacrée.