Un des facteurs ayant contribué à cette situation réside dans le comportement même des offices de brevets. L’OEB tout comme l’INPI, soumis à des contraintes d’équilibre budgétaire, s’efforcent d’accroître leur principale source de revenus : les redevances annuelles sur les brevets accordés.

Les efforts déployés par les offices se concrétisent dans des stratégies marketing destinées à séduire de nouveaux clients et à encourager les cabinets de propriété intellectuelle à déposer toujours plus de demandes, mais également dans des actions de lobbying, pour faire évoluer les législations afin d’étendre le champ de la brevetabilité et rendre le coût des brevets plus attractif, en promouvant la doctrine selon laquelle plus de brevets équivaudrait à plus d’innovation.

En outre, comme le rappelle le récent rapport Levy/Jouyet sur l’économie de l'immatériel, le contrôle de la politique de délivrance des brevets en Europe est réalisé par le Conseil d’administration de l’OEB, dont les membres sont principalement des responsables des offices nationaux, sans qu’aucune autorité politique n’y participe. Or les pouvoirs du Conseil d’administration de l’OEB sont déjà extrêmement étendus et ne cessent de s’élargir :

  • il peut modifier le « Règlement d’exécution » de la Convention sur le brevet européen (CBE), qui définit le droit des brevets en Europe ;
  • à l’entrée en vigueur d’une révision datant de 2000, il pourra même directement modifier certaines parties de la CBE, sans convoquer de conférence diplomatique des États membres. L’OEB remplit par conséquent en partie le rôle du législateur ;
  • ses chambres de recours prennent le rôle du pouvoir judiciaire en rendant des verdicts dont la jurisprudence est susceptible de modifier l’interprétation de la CBE.

Ainsi, alors que le système des brevets se fondait originellement sur une éthique d’équilibre, on peut légitimement s’interroger sur cette confusion des pouvoirs au sein d’une instance dénuée de légitimité politique.