Cahiers 2007 › Interopérabilité › La France et l'Europe à la croisée des chemins
Le samedi 27 janvier 2007, 17:25 - Lien permanent
Le chemin choisi reposant sur l'espérance de fourniture, dans des conditions "équitables et non discriminatoires", par le dominant des interfaces de programmation et de la documentation technique sur les protocoles et formats a donc montré ses limites. Il en va de même pour le cadre juridique permettant de rechercher ces informations par ses propres moyens et de les utiliser.
Il est clair qu'une réponse adaptée à la situation actuelle passe par la mise en place d'une politique publique de développement de l'interopérabilité par les standards ouverts et les logiciels libres. Mais, à des fins de sécurité juridique, il semble aussi indispensable de clarifier les règles encadrant l'obtention et la circulation des informations essentielles à l'interopérabilité avec des logiciels utilisant des standards fermés. Il convient notamment de garantir que le logiciel libre ne voie pas sa croissance freinée par des dispositions rédigées il y a plus de dix ans, et qui, en entrant en vigueur aujourd'hui, minent la légalité même de son développement.
Politique publique
Une des premières actions consiste sans doute en la création d'un effet d'entraînement, en accélérant la bascule des services publics et des institutions. (voir la section Administration électronique).
En termes de consommation, la création d'un label Standard Ouvert et sa promotion par les pouvoirs publics partout en Europe contribueraient également à sensibiliser les consommateurs à l'interêt de ces standards. Et l'application du code de la consommation, notamment en matière d'affichage des prix, donnerait de la visibilité aux offres alternatives respectant ces standards, à l'instar les logiciels libres (voir la section Vente liée).
L'introduction en droit français d'un recours collectif permetterait par ailleurs aux consommateurs de participer plus efficacement à la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles qui leur portent préjudice, et prendrait acte de ce que les autorités administratives ne peuvent à elles seules corriger les déséquilibres marché. (voir la section Recours Collectif)
Consécration du droit à l'interopérabilité
La proposition de loi n°2437 déposée en mai 2000, par les députés Jean-Yves Le Déault, Christian Paul, Pierre Cohen, Patrick Bloche (PS), visait dans son article 3 à instaurer clairement un droit à l'interopérabilité pour « toute personne physique ou morale ». Dans l'exposé des motifs, les déposants précisent notamment :
« Pour garantir l'interopérabilité entre logiciels, il faut que les droits de propriété intellectuelle ou industrielle d'un concepteur de logiciel ne bloquent pas le développement de logiciels originaux compatibles et concurrents. Le droit à la compatibilité pour tous, c'est-à-dire le droit de développer, de publier et d'utiliser librement un logiciel original compatible avec un autre doit être garanti par la loi. Aussi, le principe d'interopérabilité introduit par le droit européen du logiciel doit-il prévaloir sur les autres droits éventuels de propriété intellectuelle ou industrielle. En particulier, l'existence d'une marque sur un standard de communication ou d'un brevet sur un procédé industriel nécessaire à la mise en _uvre d'un standard de communication ne saurait permettre à son détenteur de bloquer ou de limiter la libre diffusion de logiciels compatibles. »
On ne peut donc qu'espérer que le titre Ier de la loi DADVSI soit abrogé avant fin 2007, et qu'un texte fondateur soit adopté à la place. Ce texte devrait, comme le prévoyait la proposition de loi déposée il y a sept ans, reconnaître explicitement un droit à l'interopérabilité par les standards ouverts, garantir les droits des auteurs et utilisateurs de logiciels libres, réaffirmer clairement l'absence de propriété sur les protocoles, les formats et les méthodes nécessaires à la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité (principe posé par la loi mais non suivi de dispositions permettant de le mettre en pratique), et sécuriser les pratiques d'ingénierie inverse et de décompilation ainsi que l'utilisation de logiciels rendus interopérables par ce biais.
On peut aussi espérer que le décret instaurant le Référentiel Général d'Interopérabilité soit publié dans les plus brefs délais, et que, à l'instar de l'Assemblée Nationale, l'ensemble des institutions, y compris l'Éducation Nationale, se tournent progressivement vers le Logiciel Libre et ne bascule pas vers le nouveau système de Microsoft - Windows Vista, système vendu notamment avec MTP, lecteur multimédia et anti-virus liés, un choix loin d'être neutre d'un point de vue stratégique.
La création d'une cellulle interministérielle auprès du Premier ministre, chargée de suivre, de coordonner et de faire connaître la politique de l'État et des collectivités en matière de développement de l'interopérabilité par les standards ouverts et les logiciels libres, apporterait sans aucun doute de la cohérence et de l'efficacité aux actions déjà entreprises.
Une telle politique publique de développement de l'interopérabilité par les standards ouverts et le logiciel libre devrait être portée et défendue sans complexe, en Europe et à l'international, comme relevant notamment d'un choix de société : le choix d'une société où le droit et la technologie sont au service des hommes, et non d'un monopole.