Le Pacte France Numérique que l'AFDEL propose aux candidats de signer contient, selon les propres mots de l'AFDEL, « Dix propositions susceptibles de dégripper la machine, en mettant les TIC au service des citoyens et de la croissance française. » Ou l'inverse...?[4]

Méfiez-vous des contrefaçons !

Contrefaçon non merci

Notons tout d'abord qu'aucune de ces propositions n'est réellement spécifique aux collectivités locales, certaines relevant même uniquement de la responsabilité du législateur. Mais il est vrai que l'AFDEL a un an de retard à rattraper.

De plus, là où le Pacte du Logiciel Libre de l'April est clair sur son objet (mettre le Logiciel Libre et les standards ouverts au programme des candidats et des citoyens) le Pacte de l'AFDEL brille par son ambiguïté.

Sous couvert de « mettre les TIC au service des citoyens et de la croissance français » le pacte de l'AFDEL est un appel à soutenir le logiciel propriétaire et à sacraliser la « propriété intellectuelle »[5] notamment par les brevets logiciels.

La proposition « 9. Promouvoir les industries numériques dans leur diversité »[6] indique « Ce qui implique pour l'industrie du logiciel de veiller à ne pas favoriser un modèle plutôt qu'un autre en particulier le logiciel libre vis-à-vis de tous les autres éditeurs de logiciels. Une neutralité garante de pluralisme et de liberté de choix dans l'équipement des usagers de l'administration, des différentes collectivités publiques ou parapubliques et des entreprises. »

« Non content de nier les problèmes de concurrence, de pratiques déloyales et de captation de clientèle dont sont responsables certains de ses membres, l'AFDEL semble donc considérer que les finances publiques sont faites pour financer les éditeurs de logiciels propriétaires en position dominante voire monopolistique. Cette conception devrait intéresser les élus locaux, et surtout, leurs électeurs !» a déclaré Benoît Sibaud, président de l'April.

L'AFDEL demande que les collectivités ne favorisent pas un modèle plutôt qu'un autre en ajoutant que le modèle à ne pas favoriser est celui du logiciel libre. Il y a une contradiction dans la phrase. Ne pas favoriser un modèle, compte tenu de la réalité actuelle des collectivités locales, voudrait dire cesser de favoriser le modèle propriétaire, qui domine de façon écrasante.

D'autre part ce point 9 présente le logiciel libre comme s'il s'agissait d'un éditeur particulier, en concurrence avec tous les autres éditeurs. Rappelons qu'il existe une concurrence entre tous les éditeurs, et que certains éditeurs (en nombre croissant d'ailleurs) utilisent en tout ou partie la mécanique du logiciel libre. L'AFDEL, sur ce point, soutient une vision idéologique ringarde des modèles économiques de l'industrie logicielle.

La proposition « 7 . Renforcer le lien entre capacité d'innovation et création de valeur » indique « La propriété intellectuelle constitue le socle de l'économie numérique mais l'Europe et plus particulièrement la France sont en queue de peloton en matière de dépôts de brevets. » L'AFDEL prétend donc que l'innovation se traduit forcément par des brevets, ce qui en matière de logiciels est assez saugrenu, et même contraire à la loi. Mais l'AFDEL ne s'arrête pas à ce genre de détails lorsqu'il s'agit de sacraliser la « propriété intellectuelle ».

Le point « 5. Protéger les personnes et les biens sur Internet » du pacte prône un accroissement du contrôle des données circulant sur Internet (contenus illicites et contrefaçon). La commission de déontologie, DADVSI 2 et cie ne sont pas loin. « Le développement des TIC au service des citoyens », disent-ils...

« Enfin, l'utilisation pour son site Internet d'un outil propriétaire comme Adobe Flash qui exclut de fait les personnes handicapées témoigne d'une certaine conception des TIC de la part de l'AFDEL » a ajouté Alix Cazenave, chargée de mission à l'April. En effet, outre le fait d'être propriétaire (contrairement aux standards du Web qui sont des standards ouverts comme HTML, CSS...) Adobe Flash pose un certain nombre de problèmes notamment d'accessibilité au personnes souffrant de handicaps visuels, moteurs, cognitifs, qui utilisent des navigateurs spécifiques basés sur les standards du web.[7]

L'April invite les candidats à la vigilance face au pacte de l'AFDEL, qui n'a pour but que de servir des intérêts privés sans aucun rapport - voire contraires - aux intérêts des collectivités, des citoyens et plus largement de la France. Elle appelle tous les citoyens épris de libertés, voulant promouvoir des valeurs démocratiques de partage et de saine compétition au sein de leurs collectivités, à contacter leurs candidats pour leur proposer le Pacte du Logiciel Libre.

Notes

[1] voir http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39280599,00.htm?xtor=1. À sa création son porte parole était Jamal Labed. Rappelons que Jamal Labed est l'ancien porte parole de la Business Software Alliance (BSA), organisation sans statut juridique en France connue pour ses appels à la délation et ses méthodes de milice privée.

[2] « Municipales 2008 : L'AFDEL adresse son PACTE FRANCE NUMERIQUE aux candidats » - Pacte France Numérique au format PDF - Site dédié en Flash. L'April appelle les candidats à la vigilance et à la lecture attentive du contenu de ce pacte.

[3]« Municipales 2008 : le Logiciel Libre près de chez vous » - Le Pacte du Logiciel Libre

[4] Voir également le billet de Bertrand Lemaire, Démarchage des politiques : L'AFDEL répond à l'APRIL

[5] Sur le terme « propriété intellectuelle » voir le texte Vous avez dit «Propriété intellectuelle» ? Un séduisant mirage

[6] Extraits du Pacte France Numérique :

  • Proposition 5. « Protéger les personnes et les biens sur Internet » Le développement de l'e-commerce et des réseaux sociaux a pour conséquence une accélération de la circulation des données personnelles sur le web et une pollution accentuée du réseau. De leur côté, les acteurs économiques doivent s'efforcer de conformer leurs innovations et leurs comportements commerciaux avec les législations en vigueur sur la protection des données personnelles. Tout virtuel qu'il soit, Internet constitue en outre un espace de diffusion de contenus qui doit obéir aux mêmes règles que tout autre espace public. Les infractions à la législation, qu'il s'agisse de la diffusion de contenus illicites ou de la contrefaçon, doivent faire l'objet d'une attention accrue des pouvoirs publics.
  • Proposition 7. « Renforcer le lien entre capacité d'innovation et création de valeur » L'investissement en R&D consacré aux TIC est insuffisant en France : 0,4% du PIB contre 0,6% aux Etats-Unis, 0,93% au Japon ou 1,1% en Suède. La propriété intellectuelle constitue le socle de l'économie numérique mais l'Europe et plus particulièrement la France sont en queue de peloton en matière de dépôts de brevets. Les entreprises font en outre face à des dispositifs d'aide à l'innovation dispersés voire insuffisamment adaptés (Crédit Impôt Recherche) et rencontrent des difficultés de financement.
  • Proposition 9 « Promouvoir les industries numériques dans leur diversité » La dynamique de l'innovation s'appuie sur la diversité des modèles et des technologies qui font leur apparition chaque jour. Cette diversité doit s'accommoder des besoins exprimés par les utilisateurs en interopérabilité, qui est un enjeu du développement des TIC. Ce qui implique pour l'industrie du logiciel de veiller à ne pas favoriser un modèle plutôt qu'un autre en particulier le logiciel libre vis-à-vis de tous les autres éditeurs de logiciels. Une neutralité garante de pluralisme et de liberté de choix dans l'équipement des usagers de l'administration, des différentes collectivités publiques ou parapubliques et des entreprises.

[7] Adobe Flash pose un certain nombre de problèmes :

  • le contenu est très mal indexé par les moteurs de recherche qui référencent donc mal les sites en Flash ;
  • il faut la plupart du temps être équipé du plugin Adobe "Flash player", qui plus est dans une version compatible, ce qui oblige à un téléchargement fastidieux (alors que l'utilisation des standards du web permet à n'importe quel navigateur de base d'accéder à un site web) ;
  • les sites utilisant Flash sont longs à afficher, on ne peut pas faire de recherche dans une page pour trouver une information précise rapidement, et la navigation est quasiment impossible avec les boutons "précédent" et "suivant" ;
  • contrairement aux idées reçues la plupart des internautes n'aiment pas les animations qui pertubent la lecture de l'information essentielle ;
  • les sites flash ne sont généralement pas accessibles au personnes souffrant de handicaps visuels, moteurs, cognitifs, qui utilisent des navigateurs spécifiques basés sur les standards du web.